
Rappel des faits : les accusations portées par Mediapart
Selon Mediapart et la journaliste Pascalle Pascariello, lâInstitut hospitalo-universitaire (IHU) aurait menĂ© depuis 2017 et jusquâen mars 2021 « une expĂ©rimentation sauvage contre la tuberculose ». Lâalerte aurait Ă©tĂ© donnĂ©e par des membres de lâIHU qui se seraient inquiĂ©tĂ©s des consĂ©quences dâun essai thĂ©rapeutique menĂ© par le Pr Didier Raoult et son adjoint, le Pr Michel Drancourt.
Dans tout essai clinique, il y a un initiateur et un promoteur. Concernant cette affaire, l’initiateur est l’IHU et le promoteur est l’Assistance publique-hĂŽpitaux de Marseille (AP-HM).Â
L’essai thĂ©rapeutique, dĂ©noncĂ© par certains membres du personnel de l’IHU et par certaines autoritĂ©s de santĂ©, aurait Ă©tĂ© entrepris sans lâautorisation de lâAgence nationale de sĂ©curitĂ© du mĂ©dicament et des produits de santĂ© (ANSM).
« Nous avons constatĂ© de graves complications rĂ©nales sur certains patients, mais je ne sais pas si ces effets ont Ă©tĂ© officiellement dĂ©clarĂ©s puisque cet essai nâĂ©tait pas autorisé », aurait dĂ©clarĂ© Laurent, qui travaille au sein de lâIHU et tĂ©moigne de maniĂšre anonyme. Son collĂšgue, Alban, affirme lui aussi que Didier Raoult aurait utilisĂ© « des patients, prĂ©caires et souvent Ă©trangers, comme des cobayes ».
Dans son article, la journaliste affirme que Mediapart aurait eu accĂšs aux comptes rendus dâhospitalisations et Ă des Ă©changes de courriels qui auraient rĂ©vĂ©lĂ© que, malgrĂ© le refus de lâANSM, les mĂ©decins de lâIHU auraient prescrit « une combinaison de quatre mĂ©dicaments, dont lâefficacitĂ© dans le traitement de la tuberculose nâa jamais Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e, ni mĂȘme Ă©valuĂ©e, et qui pouvait mĂȘme ĂȘtre toxique ». Plusieurs patients, dont un mineur de 17 ans, auraient rencontrĂ© de graves complications mĂ©dicales suite Ă ce traitement expĂ©rimental.
AprĂšs avoir Ă©tĂ© alertĂ© par Mediapart, le directeur de lâAP-HM, François CrĂ©mieux, a rĂ©pondu quâen « lien avec les autoritĂ©s de tutelle, lâANSM et l’ARS, lâAP-HM donnera suite Ă toutes les alertes sur cet essai non autorisĂ© et sur ses complications ». Par ailleurs, il a indiquĂ© que « des enquĂȘtes seront diligentĂ©es sans dĂ©lai, des mesures prises en cas de manquements, afin quâaucun essai clinique ne puisse plus ĂȘtre menĂ© en dehors de toute rĂ©glementation ».
Pour rappel, les essais cliniques sont trĂšs encadrĂ©s en FranceâŻ; selon le Code de la santĂ© publique, enfreindre leur rĂ©glementation peut ĂȘtre puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Dans le traitement de la tuberculose non rĂ©sistante, dite à « bacille sensible », le traitement prĂ©conisĂ© par les instances sanitaires nationales et internationales, dont lâOrganisation mondiale de la SantĂ© (OMS), consiste Ă associer quatre antibiotiques, pendant six mois. En France, 95 % des patients guĂ©riraient de cette affection aprĂšs avoir Ă©tĂ© traitĂ©s.
Pour la tuberculose multirĂ©sistante aux antibiotiques standards, une liste dâantibiotiques est recommandĂ©e par lâOMS. Les molĂ©cules de cette liste sont classĂ©es selon leur degrĂ© dâefficacitĂ© et réévaluĂ©es chaque annĂ©e.
Que reproche-t-on aux mĂ©decins de lâIHU ? Dâavoir prescrit un protocole non autorisĂ© en donnant des molĂ©cules (la sulfadiazine et la minocycline) qui ne sont pas incluses dans cette liste. Par ailleurs, les deux autres antibiotiques donnĂ©s (la clofazimine et le pyrazinamide) auraient « une efficacitĂ© limitĂ©e pour lâune, et faible pour lâautre ».