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Marie-France Lorho, empêchée de défendre ses amendements à l’Assemblée

ENTRETIEN — Dans le cadre de l’accélération des dispositifs de renforcement de l’état d’urgence sanitaire, la députée du Vaucluse et opposante au passe vaccinal, Marie-France Lorho, qui est non-inscrite, aurait dû être amenée à voter sur le texte de loi présenté ce mercredi 29 décembre en commission des lois. Ayant été testée positive, elle est contrainte à l’isolement et ne peut donc se rendre à Paris. Mme Lorho a donc demandé à l’Assemblée la prise en compte de la défense de ses amendements, demande qui lui a été refusée. Elle dénonce, d’une part, un déni de démocratie et, d’autre part, un texte de loi inique qui reviendra à déchoir de leur citoyenneté les personnes non-vaccinées. C’est dans ce contexte que nous avons interviewé Mme Lorho.

Comme vous avez été testée positif au covid, il vous est interdit de participer aux discussions de la Commission des lois. Comment l’avez-vous appris ?

Sans le covid, j’aurais été présente à Paris sans aucun problème. Mais, ayant le covid, je dois suivre les règles sanitaires. Je reste donc chez moi. En raison de l’exceptionnalité de la situation, j’ai demandé à l’Assemblée de tenir compte de mes amendements et de leur défense. Et l’Assemblée a refusé de prendre en compte mes amendements ! Pourtant, lors des premiers confinements, comme nous ne pouvions être là en présentiel, il était acquis que les amendements des députés non-inscrits, comme moi, seraient défendus, puisque nous n’avons pas de groupe politique. Cela permettait d’avoir une discussion qui, dans le cas présent, n’aura pas lieu.closevolume_off

Cela m’a mis en colère puisque je suis contre ce passe vaccinal. Ces mesures sont incohérentes. Depuis le début de la crise sanitaire, c’est-à-dire depuis deux ans, on contraint les Français à prendre des dispositions tel que le télétravail pour faire face au covid. Et aucune disposition n’a été prévue pour permettre à un député de défendre les positions des Français qu’il représente en cas d’absence pour cause de covid. J’ai pourtant été élue par des Vauclusiens. Si certains sont sûrement favorables au passe vaccinal, d’autres sont contre. Il aurait donc été logique que mes amendements soient défendus.

Et pourquoi ce régime d’exception n’est-il pas appliqué alors qu’il l’était lors des premiers confinements ?

Je pense qu’ils n’ont tout bêtement pas réfléchi à la situation. Pourtant, je ne suis pas la seule qui aurait pu être concernée par ce problème. Un député LR, LFI, LREM ou un député de n’importe quel autre groupe parlementaire aurait pu être absent à cause du covid. Si un nombre monumental de Français ont été infectés, il est évident que, dans le lot, des députés au sein de la Commission puissent l’être également. Dans le cas où tous les députés de la Commission auraient été infectés par le covid, qu’aurait-on fait ? Tout annuler ?

Savez-vous si d’autres députés se trouvent dans la même situation que la vôtre ?

Aucune idée. C’est possible. Mais, puisqu’ils font partie d’un groupe politique, la situation est plus simple pour eux. Un autre membre peut cosigner leurs amendements, qui peuvent ainsi être défendus. À la Commission des lois, il y a seulement deux députés non-inscrits : Emmanuelle Ménard et moi-même. Comme nous ne sommes pas d’accord sur la question du passe vaccinal, elle ne pouvait pas cosigner mes amendements.

Avez-vous reçu des soutiens de la part d’autres députés ?

Oui, de différents partis. Cette situation aurait pu arriver à n’importe quel député. Comme je suis seule à défendre mes amendements, il aurait été logique qu’ils soient pris en compte dans une démocratie en bonne santé.

Qu’avez-vous pensé de l’audition d’Olivier Véran ?

J’ai pu suivre l’audition de Monsieur Véran en visioconférence. Je pense qu’ils avaient l’envie de mettre en place le passe vaccinal depuis longtemps. À titre personnel, je suis vaccinée et je pense que le vaccin est nécessaire pour endiguer la pandémie. Mais je suis tout à fait disposée à entendre les positions des personnes qui ne souhaitent pas se faire vacciner. C’est une question de liberté.

Sur le passe vaccinal comme sur d’autres mesures, ils sont incohérents. Par exemple, interdire à une personne de manger debout un sandwich à un comptoir de bar… Il suffit de lui mettre un tabouret et il aura le droit de le manger au comptoir. Toutes ces consignes sont idiotes ! Il n’y a pas d’autre mot. Elles n’avanceront à rien.

Il aurait surtout fallu mettre en place des mesures pour l’hôpital qui se porte très mal : remettre des lits plutôt que d’en supprimer, et donner aux gens l’envie de travailler dans les hôpitaux pour ne pas se retrouver dans cette situation. Combien de personnes sont-elles positives et combien de personnes sont-elles admises ? Je crois que le chiffre est vraiment binaire. Pourquoi est-ce important ? Parce que l’hôpital n’est pas en capacité de suivre. Et on ne fait rien pour améliorer la situation. Au bout de deux ans de pandémie, on en est encore à déprogrammer des opérations pour des gens qui en ont besoin. Les soignants eux-mêmes se plaignent. On empêche les gens de vivre et on ne fait rien pour les lits ?

Un lit de réanimation est inutile sans infirmières et réanimateurs pour s’en occuper. Il sera intéressant de suivre le débat de lundi car le problème est fondamental. Mais, de toute façon, depuis quatre ans et demi, la majorité refuse les amendements qui ne viennent pas d’elle – au mieux, elle les reprend à son compte pour en proposer des similaires…

Qu’en est-il de votre lettre au Conseil constitutionnel dans laquelle vous leur demandiez un avis sur le refus de l’Assemblée de tenir compte de vos amendements ?

Ils m’ont répondu, me disant que ce n’était pas de leur fait et qu’ils ne pouvaient rien faire. Nous réfléchissons à une saisine avec mon assistante. Il n’est pas normal qu’on demande des efforts à la population et que rien ne soit fait pour que les députés ne puissent exprimer la parole de ceux qu’ils représentent.

Voir aussi : La lettre de Marie-France Lorho au Conseil constitutionnel

À l’Assemblée, il n’y a toujours pas de passe – on connaît l’argument de la Constitution, mais ce qui interpelle, c’est de l’avoir maltraitée pour tous les Français et de maintenir cette exception pour les députés ?

Exactement, en vertu de la Constitution, il est interdit d’empêcher à un député l’accès à l’Assemblée, mais je trouve cela contestable. On demande aux Français un passe sanitaire pour entrer dans des lieux publics, mais les députés ne doivent pas en présenter un pour entrer à l’Assemblée. Ce n’est pas normal.

Auteur(s): FranceSoir