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« Pédiatre je dois trahir mon serment et ‘trier’ mes jeunes patients pour les soigner

En commençant ma garde aux urgences, je me dis que ce qu’est devenue la pédiatrie ne donne pas envie d’en faire son métier. (photo d’illustration)

SANTÉ – Je m’appelle Avril O. et depuis quelques printemps déjà, je soigne des enfants.

Sur ma “fiche d’avenir”, en CP, j’avais écrit que je voulais devenir fermière, pédiatre ou danseuse étoile. La suite de ma vie a révélé que j’avais la souplesse d’un balai et que sorties de “La petite maison dans la prairie”, les vaches me terrifiaient.

Je pense qu’à 6 ans, je savais déjà que l’enfance est une période merveilleuse que la maladie ne devrait pas abîmer, ne devrait pas voler, ne devrait pas tuer. Je crois toujours qu’être un enfant malade n’est pas être un enfant quand même, mais être un enfant surtout. D’ailleurs, entre pédiatres, on s’adresse pour avis un “enfant” plutôt qu’un “patient”.

Pédiatre, plus qu’un métier

J’avais raison à 6 ans, la maladie n’empêche pas les enfants de jouer, de s’émerveiller, de s’aimer… Et d’entraîner leurs familles comme leurs soignants avec eux. Un service de pédiatrie résonne de rires et d’amitié, même quand la triste injustice de la vie ose y jouer sa partition.

À 6 ans, j’ignorais par contre que devenir pédiatre me demanderait onze ans d’études sanctionnées par deux concours difficiles et des soutenances de thèses/mémoires en série jusqu’à ma retraite, signifierait travailler 60 à 80 heures par semaine, 24 voire 36 heures d’affilée sans boire, manger ou dormir, être à 35 ans payée moins que le SMIC horaire, m’amènerait à être angoissée souvent, épuisée tout le temps, à verser beaucoup de larmes, à douter, à échouer, me donnerait l’impression de manquer ma vie privée, de sacrifier ceux que j’aime, de m’oublier en route. J’ignorais tout cela et bien plus encore, mais je doute que le comprendre m’aurait dissuadée, c’est vraiment une grande chance de pratiquer chaque jour un métier que l’on aime.

Des urgences engorgées, des médecins débordés, des secteurs désertés

Pourtant, ce soir, en commençant ma garde aux urgences, je me dis que ce qu’est devenue la pédiatrie ne donne pas envie d’en faire son métier. Ni à la grande moi, ni à la moi de 6 ans.

Je regarde tous ces enfants en salle d’attente…

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